VIDÉO - Affaires
Pourquoi recourir à la CJIP ?
Récemment, plusieurs grandes entreprises ont préféré opter pour une convention judiciaire d’intérêt public plutôt que d’aller au procès.
Inspirée des mécanismes anglo-saxons de transaction pénale, la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), a été introduite par la loi Sapin 2 qui renforce les moyens des autorités nationales en matière de lutte anticorruption.
A quel moment de la procédure intervient la CJIP ?
La CJIP peut être proposée à deux moments :
- Soit lors de l’enquête, c’est-à-dire avant la mise en mouvement de l’action publique : elle est alors proposée par le procureur de la République ;
- Soit plus tard, au cours de l’instruction, alors même que l’action publique a déjà été engagée : la convention est alors proposée soit directement par le Parquet , qui la soumet pour approbation au juge d’instruction, soit par le juge d’instruction lui-même, avec l’accord du procureur de la République.
Une précision importante : dans le cas du recours à la CJIP en phase d’instruction, l’entreprise doit reconnaître les faits, et accepter la qualification pénale retenue.
Quel est l’avantage de recourir à la CJIP ?
La CJIP n’est pas une condamnation au sens strict du terme. Elle n’entraîne donc pas de déclaration formelle de culpabilité, même si la personne morale doit reconnaître les faits, et accepter la qualification pénale retenue quand la procédure est lancée en phase d’instruction.
Pas de condamnation donc lors d’une CJIP, et trois conséquences essentielles qui en découlent pour l’entreprise :
- L’absence d’inscription au bulletin n°1 du casier judiciaire ;
- L’entreprise évite d’être exclue des procédures de passation des marchés publics ;
- Enfin, une CJIP protège contre des peines complémentaires potentiellement dommageables pour l’activité de l’entreprise. Comme par exemple, la fermeture des établissements ayant servi à commettre les faits.
Autre avantage de la CJIP pour les entreprises : c’est une procédure assez rapide, en tout cas bien plus qu’un procès, qui peut durer des années, et déstabiliser profondément la société.
La CJIP permet aussi d’éviter, pour l’entreprise, d’avoir à provisionner sur une longue durée le montant de futures – et lointaines – amendes. On reparlera des montants encourus dans un instant.
A titre d’exemple, la Société Générale avait provisionné 1,58 milliards d’euros en vue du règlement de plusieurs litiges avec les autorités américaines. Elle a préféré opter pour une CJIP.
Enfin, plus globalement, une procédure de CJIP permet aux autorités françaises de réagir rapidement, face à la menace d’autorités étrangères qui investigueraient les mêmes faits.
Y a-t-il des cas pour lesquels le juge pourrait refuser d’homologuer la CJIP ?
Le juge, en l’espèce le président du TGI, décide de valider – ou non – la proposition de CJIP en se basant sur quatre critères :
- le bien-fondé du recours à la CJIP,
- la régularité de son déroulement,
- la conformité du montant de l’amende,
- enfin, il met dans la balance les sanctions prévues face aux avantages tirés par l’entreprise des faits qui lui sont reprochés.
Dès lors, il y a un risque théorique de rejet de la procédure de CJIP.
Dans ce cas, les entreprises se retrouveraient alors dans un schéma de procédure pénale classique…mais entre-temps, elles ont souvent dû dévoiler des faits confidentiels, potentiellement préjudiciables à leur image.
Ainsi, il est essentiel en amont, d’évaluer avec attention les risques du recours à une CJIP.
L’amende est-elle prévisible ? Existe-t-il des critères ?
Le calcul du montant de l’amende d’intérêt public s’établit en fonction des avantages tirés par l’entreprise des manquements, des fautes qui lui sont reprochés, on parle alors de restitution des profits.
Le comportement de l’entreprise est également pris en compte dans le calcul global de l’amende d’intérêt public. Ainsi, certains facteurs aggravants, telle l’absence de révélation spontanée des faits, ou leur caractère habituel, peuvent ainsi entraîner des pénalités complémentaires à la restitution des profits. Toutefois, des facteurs atténuants, telle la coopération de l’entreprise à l’enquête, permettent également de moduler le montant de ces pénalités complémentaires.
Enfin, sachez qu’il existe dans tous les cas un plafond aux amendes : il est fixé à 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel de l’entreprise calculé sur les 3 dernières années.
- Matthieu Bagard, Avocat
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