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Loi Pacte et droit des sociétés
Quelle est la place des entreprises dans notre société ? Ont-elles un rôle social et quel est ce rôle ? Autant de questions au cœur de la loi Pacte, promulguée le 22 mai 2019. Cette loi prévoit des dispositions d’application volontaires et des dispositions impératives.
Les dispositions d’application volontaire
C’est le cas de la possible définition d’une raison d’être dans les statuts.
L’article 1835 du Code civil prévoit que les statuts d’une société « peuvent spécifier une raison d’être, constituer des principes dont la société est dotée et pour laquelle elle entend allouer des moyens dans l’exercice de son activité ».
La raison d’être « vise à rapprocher les entrepreneurs et les entreprises de leur environnement à long terme ». La raison d’être est utilisée de manière stratégique pour fournir un cadre de référence pour les décisions les plus importantes.
Les entreprises ayant défini leur raison d’être peuvent aller encore plus loin en adoptant le statut de « société à mission ». Par cette démarche, l’entreprise définit des objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour ambition de poursuivre. Elle doit aussi préciser les modalités de suivi des engagements pris. Et un organisme indépendant doit vérifier les bonnes exécutions de cette mission. Compte-tenu de ses contraintes, il est probable que ce dernier dispositif reste assez marginal, au moins dans un premier temps.
Les dispositions impératives
En vertu du second alinéa de l’article 1833, « La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
Quelles conséquences pratiques pour les entreprises ?
Ce second alinéa est d’application immédiate. Il s’applique même aux sociétés constituées avant son entrée en vigueur. Il s’applique à toutes les sociétés, quelques soient leur nature, leur type ou leur taille.
L’alinéa instaure la reconnaissance législative d’une obligation dégagée par la jurisprudence : « La société est gérée dans son intérêt social ». Le législateur confirme ainsi qu’une société dispose d’un intérêt propre à se développer et à prospérer. Intérêt qui peut être différent de celui des actionnaires.
La seconde partie de l’alinéa concerne la prise en considération des enjeux sociaux et environnementaux dans les activités de nos entreprises. Cette nouvelle obligation concerne tous les aspects de gestion de l’entreprise, tant d’un point de vue juridique qu’opérationnel. Le non-respect de ce nouvel alinéa pourrait constituer une faute, voire un motif de révocation des dirigeants. Le régime applicable en matière de responsabilité civile reste le régime habituel. Il suppose la conjonction d’un dommage, d’une faute et d’un lien de causalité entre les deux.
En aucun cas, la loi ne commande aux entreprises d’aller à l’encontre de leurs objectifs de rentabilité. Entre deux scénarios rentables de manière égale, il faut opter pour le plus respectueux des enjeux environnementaux et de la protection des salariés : les enjeux sociaux. En toute hypothèse, il faudra désormais être en mesure de démontrer la prise en considération des intérêts protégés.
Comment faire ?
Afin de s’assurer que les intérêts de toutes les parties prenantes de l’entreprise, mais également ceux de la Société au sens large, sont pris en considération et compris, il est tout d’abord nécessaire de communiquer en interne sur cette nouvelle obligation.
Pour vérifier que toutes les décisions, en particulier celles des instances dirigeantes, sont bien prises en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux, il est possible de mettre en place des procédures. Il faudra également veiller à la bonne conservation de tous les éléments qui permettront de le démontrer. On peut aussi imaginer des procédures pour mesurer l’impact des décisions de gestion. Par exemple par le biais des forces de vente qui peuvent recueillir d’importantes informations auprès des utilisateurs des produits et services fournis par l’entreprise.
Autre piste : élaborer des indicateurs propres à chaque entreprise pour mesurer l’impact environnemental global des produits et services fournis, tout en encourageant les collaborateurs à travailler différemment grâce à des mesures incitatives adaptées tenant compte de ces indicateurs.
Enfin, il peut être intéressant de mettre en place des procédures de communication externe. L’objectif est de valoriser les stratégies et actions de l’entreprise. Ces stratégies et actions de l’entreprise auront été définies au regard des impacts sociaux et environnementaux. L’entreprise obtient alors un avantage concurrentiel au niveau du business et en termes de recrutement.
En conclusion, si certains considèrent cette nouvelle obligation comme une contrainte, il n’en est rien. En effet, depuis plusieurs années déjà, certaines entreprises tiennent compte des enjeux sociaux et environnementaux dans l’élaboration de leurs décisions et de leurs produits et services, et ce même en l’absence d’obligation légale en la matière.
Les conseils de l’expert:
- Les décisions prises par les organes sociaux doivent être motivées. Il faut montrer, pour une décision donnée, que les dirigeants ont effectivement pris en considération les enjeux sociaux et environnementaux.
- Expliquez comment ces enjeux ont été pris en considération, surtout s’ils semblent sacrifiés en tout ou partie! A cause par exemple, d’un coût qui s’avèrerait trop important pour l’entreprise.
Jean-Philippe Robé & Valérie Valais, Vice-Présidente, Affaires Internationales et Développement Durable de Dassault Systèmes
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